3.9.13

La journée des prématurés



Le 6 mai dernier, j'ai donné naissance à un enfant prématuré.
Marion, notre deuxième fille, est née à 33 semaines.

Les médecins n'ont jamais vu le coup venir.

Moi?
Il ne s'agissait pas de la grossesse de rêve mais le bébé, il était vraiment désiré.
Un an d'attente pour obtenir un test de grossesse positif, des saignements répétés et une amniocenthèse.

Inconsciemment, je me détachais de cette grossesse par peur de la perdre...
Je sentais que ma condition était fragile.
Les femmes ressentent des choses qui parfois peuvent parraître ésotériques, je sais!

Nous avons été forts cette dernière année.
Mon chum a été patient :)

En bonne chargée de projets, j'avais planifié ma fin de grossesse :
1. Accoucher en juin, quand mon chum serait en vacances du CÉGEP;
2. Débuter mon congé l'été;
3. Débuter ce congé seule, pour rélaxer durant 5 semaines.

À 32 semaines, mes plans ont chiés.
Un matin pressé, je me suis retrouvé encore une fois avec des saignements.
Je call discrètement la chose à l'homme pour ne pas éveiller les soupçons d'Alice.
J'imaginais encore le pire...

Malgré les recommandations de mon homme, j'ai été travailler.
J'avais besoin de me changer les idées.
Mais je sentais aussi que je ne remettrais plus les pieds au bureau pour un boutte.
J'ai donc préparé ma sortie, classé mes dossiers et terminé mon ménage.

Finalement, je me suis rendue seule, en après-midi, à mon rendez-vous d'urgence.
Ne vous inquiétez pas, mon Franky s'était proposé mais en bon loup solitaire, je souhaitais être alone.
C'est à ce moment qu'à débuté la grande semaine de tripotage de mon col d'utérus.
J'avais l'impression qu'il s'agissait de la plus grande attraction en ville.
"Je peux...?"
"Pas de gêne. Faites-vous plaisir."
"Votre travail est commencé, votre col est dilaté".

J'ai été chercher mon homme au CÉGEP,  je l'ai rassuré et nous nous sommes dirigés au CHUS pour :
1. annuler un test de détection de la fibronectine fœtale (pour savoir si j'allais accoucher dans les 7 prochains jours);
2. voir une doc qui n'aimait pas la situation;
3. recevoir un papier pour me retirer du travail et idéalement arrêter mon travail;
4. une injection de stéroïdes pour aider à la maturation des poumons de mon bébé.

J'ai quitté l'hosto assise dans une chaise roulante poussée par mon homme.
La règle était claire "Elle ne doit pas bouger".

Moi, ne pas bouger?
Mais pour le bébé je l'ai fait.
J'ai attendu dans le lit que la famille revienne de ses activités, qu'on me pousse du manger, etc.

Le lundi suivant, je regardais mes séries calmement dans le lit.
Des contractions ont commencées.
Pour m'amuser, j'ai acheté des applications de merde pour les noter et les analyser.
En après-midi, j'ai réalisé qu'elles étaients régulières depuis 5 heures!

J'ai appelé la maternité et toutes ces étapes se sont basculées :
1. Franky est revenu du travail;
2. J'ai terminé ma valise et celle d'Alice;
3. Alice est allé chez de merveilleux amis;
4. J'ai terminé la valise du bébé;
5. François s'est fait un sac et a loadé la voiture;
4. Nous avons été déposer les vêtements d'Alice chez notre amie.

Je me revois encore dans la voiture, assise à contrôler ma respiration et mes douleurs.
L'amie s'approche de moi et me demande "Es-tu prête à accoucher?"
Accoucher?
Les larmes, les sanglots...
Je réalisais que je n'avais pas réussi à garder mon bébé : j'allais accoucher d'un bébé de 33 semaines.
Fuck, mais qu'est-ce qui m'arrive?
Je ne contrôle plus rien.

Arrivée au CHUS, je me tordais de douleur.
À la maternité, derrière les petits rideaux, je pouvais entendre une fille hurler sa vie.
Je me suis dit, pas moi, je ne suis pas une chialeuse.

Malgré des contractions aux 5 minutes, je devais raconter mon histoire à tous les résidents de passage.
Trente minutes plus tard, je commençais à pogner les nerfs, à ne plus me contrôler et à râler de douleur.
J'avais l'impression que mon corps allait se déchirer en deux!

Franky a pris le relai des histoires.
Moi, les yeux fermés dans mon lit, j'attendais ma gynéco.

Quand elle a fait LE touché, le dernier, c'était la folie!
En résumé, j'étais à 8 centimètres, j'allais accoucher mais...le petit bébé était si petit qu'il avait eu le temps de changer de position...
Malgré mes suplices, j'allais accoucher naturellement d'un siège.
Aaaaaaaaarghhhhhhhh!

10 spécialistes m'entourent
une civière qui ne passe pas dans la porte
une course folle dans les couloirs
une salle froide
mes jambes dans les étriers.

"OK regarde-moi, tu vas accoucher dans quelques minutes".
J'ai crié ma vie.
Mon bébé est sorti.
J'ai perdu des bouts.
Franky est parti avec les spécialistes et mon bébé...

Je me suis retrouvé toute seule dans la salle, sans bébé.
On a pris soin de moi et j'ai regagné ma chambre, sans bébé.
Franky m'a roulé dans une salle qui allait être ma "maison" pour les trois semaines suivantes.
La néonat.

L'univers médical me frappait pour la première fois de ma vie.
L'odeur, la lumière, les bruits, la proximité et tous ces bébés seuls la nuit...
On m'a présenté le protocole de l'endroit et ma fille.
















Elle était petite pour moi mais géante vs. les petits êtres croisés du regard en entrant.
Elle était dans son incubateur, branchée, plugée, fragile mais vivante.
J'étais soulagée.

Quand je dis que Marion est un bébé prématuré, j'ai souvent droit à "Ha ouin, ma belle soeur en a eut un de même".
Mais c'est quoi un prématuré?
C'est un bébé né avant 37 semaines.
Oui, mais encore...
















C'est aussi la néonatologie.
J'y ai passé 3 semaines :
1. dans mon espace de 3 pieds carré;
2. à bercer Marion;
3. à faire du peau-à-peau;
4. à allaiter devant les infirmières, les docs, les autres parents;
5. à me tirer du lait avec un tireur électrique double devant ces mêmes gens;
6. à vivre à l'hôpital dans ma petite chambre sans mon homme, mon bébé et mon aînée;
7. à ne recevoir aucune visite;
8. à ne pas pouvoir montrer mon beau bébé à personne, même pas à Alice;
9. à demeurer silencieuse pour ne pas déranger le personnel médical;
10. à bloquer le bruit des machines qui annoncent les mauvaises nouvelles aux secondes par de la musique;
Mais surtout, à prouver que je pouvais prendre soin de mon enfant pour gagner notre congé.
















En néonat, on frôle aussi la solitude des bébés en douleur, la mort et la détresse des autres parents.
Mais le protocole veut qu'on demeure discret.
On ne doit pas regarder les autres bébés ni parler aux autres parents.
On ravale.

Cette petite histoire ce matin, c'est ma façon de digérer ces événements.
Peut-être aussi vous sensibiliser à la cause de ces petits courageux qui représentent 7 % des naissances au Québec.

Maintenant quand je vois le double menton de Marion, je me dis que le temps passe quand même assez rapidement :)

















Pour plus de détails, visitez le site de Préma-Québec.



1 commentaire:

Marianne a dit...

J'ai les yeux pleins d'eau. T'es courageuse MC. Dieu sait (pis moissi) que les hôpitaux, c'est plein de protocoles et pas très joyeux. Contente que la belle Marion soit top shape.